SOLITUDES RELIEES
Solitudes reliées est un roman de Jacqueline Boyé avec des personnages attachants, des situations fortes, des sentiments mélangés...
Les histoires humaines passionnent Jacqueline Boyé. Dans ce nouveau roman, la solidarité, l'émotion, l'humanisme entraînent le lecteur dans une intrigue aux mille facettes.
Comment préserver l'individu tout en l'intégrant aux autres, à la société ?
Quel subtil dosage d'émotions permettra l'alchimie du vivre ensemble en respectant chacun ?
Des personnages attachants, des situations fortes, des sentiments mélangés...
Autant d'atouts pour relier les solitudes.
LES PREMIERES PAGES DE SOLITUDES RELIEES :
« L’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre »
Boris Vian.
Le train lui en aura fait voir des pays à Paul Brion ! Normal, il était contrôleur de la SNCF. La France ? Il la connaît par cœur. Il l’a traversée en long et en large, sous la pluie, la neige, le givre mais aussi au printemps quand la nature s’éveille, sous le soleil radieux et la chaleur de l'été, sous les couleurs chatoyantes de l'automne... Les yeux fermés il imagine cette toile d’araignée dont il connaît tous les nœuds. Il soupire. Il a même parcouru le monde au cours de ses voyages de jeunesse. Où sont donc passés tous ces moments de joie évoqués avec sa femme Marguerite et ses filles, Micheline et Reine ? Ont-ils seulement existé ? Il est veuf depuis quatre ans. Ironie du sort, son père, Louis Brion, très âgé, est décédé deux ans après sa belle-fille. Conscient de son état, cet homme vivait seul dans la petite maison familiale construite par son père Rémi. Enfermé volontairement entre quatre murs, aidé par deux infirmières et une dame de compagnie grassement payée pour rester à ses côtés, il avait décidé d’y terminer sa vie. Désemparé après ces deuils successifs, Paul fut très malheureux. Il refusa catégoriquement d’aller en maison de retraite, aussi agréable fût-elle, et s’installa par la suite dans cette petite maison familiale en espérant, comme son père, y terminer sa vie. En attendant. Demain, il a rendez-vous chez son notaire. Dieu merci, il a encore toute sa tête.
Tout en longeant d’un pas décidé les quais du Tarn, prêt à affronter le tête-à-tête avec son notaire, il se répète inlassablement : « Pourvu que ce ne soit pas ça ! », tout en sachant pertinemment que ce qu’il ne souhaite pas lui sera réservé. Il est âgé, ses filles sont loin et ne pourront pas l’aider. « Je dois garder la tête haute et ne pas montrer mon émotion… »
Monsieur Brion, entrez je vous en prie. Prenez place. Savez-vous pourquoi je vous ai convoqué ?
- En effet, Maître, je crains bien de deviner.
Maitre Pascal prend religieusement une lettre dans un tiroir, l’ouvre et, selon l’usage, lit tout haut son contenu. Imperturbable, Paul l’écoute. Hélas, ce qu’il redoutait se présente bel et bien : son père, Louis Brion, lui lègue un véritable cadeau empoisonné. Non seulement la maison construite par Rémi (le grand-père de Paul), mais également le grand bâtiment que lui-même, architecte, avait transformé en appartements à la suite de la maison familiale. Paul ferme les yeux, pousse un soupir. Il n’est pas très argenté. Comment va-t-il faire à son âge pour entretenir cette œuvre ? Gêné, il en fait part au notaire qui le regarde, étonné. Son client ne parait nullement enjoué par cet héritage. La vie peut être compliquée parfois ! Paul Brion est à la tête d’une fortune et cela n’a pas l’air de l’intéresser. Au contraire, ce « cadeau » le contrarie beaucoup.
Le notaire attend quelques instants, puis se lève et lui tend machinalement la main.
- Réfléchissez Monsieur Brion. Vous pourrez toujours vendre et payer vos droits de succession. Il vous restera quand même quelque chose pour vous ou vos filles.
Dans la rue, soucieux, Paul marche tête baissée, se demandant ce qu'il adviendra dans le futur. Il se souvient.
Quelques années auparavant
La construction d’une grange
Son grand-père, Rémi Brion, avait eu le bonheur d’accomplir son rêve : acheter une modeste grange pour la transformer en une petite maison afin d’y mettre à l'abri sa femme et son fils Louis. Cette maison, Rémi l'avait rêvée, surtout dans ses rares moments de détente où il laissait aller pleinement ses pensées. Comment serait-elle ? D’abord, posséder l’eau courante et l'électricité. Il avait souffert dans son enfance de ces manques, et avait trop vu sa mère se fatiguer à faire une centaine de mètres tous les jours pour ramener des seaux d'eau de la rivière. Il se souvenait aussi d'un puits appartenant à un voisin qui n’aurait pas offert un verre d’eau à sa voisine, qu'il voyait partir tous les matins, quel que soit le temps, à l'assaut de ce « trésor ». Rémi le voyait qui jubilait dans sa cuisine, à moitié caché derrière le rideau de sa fenêtre. Comment, dans ce cas, ne pas être haineux ? Quant à l’électricité, il avait acquis à l’école quelques notions qu’il s’empresserait de mettre à profit. Acheter cette grange mise en vente au fond d’un champ immense où paissaient des troupeaux de vaches avait été pour lui un immense espoir. L'avenir lui souriait. C’est ici, sans aucun doute, que sa vie prendrait tout son sens. Certes, la naissance de son fils Louis avait été une joie indescriptible, mais posséder cette grange et la transformer en une maison à la force du poignet l’avait été tout autant. Une épouse, un fils et maintenant un havre de paix représentaient pour ce simple paysan attaché à son village et à sa terre le bonheur intégral. Hélas, Rémi n’avait pas assez d’argent pour se payer un tel luxe. Qu’importait ! Il était encore jeune, en bonne santé, vaillant, volontaire, aussi décida-t-il de mettre tout en œuvre pour réaliser son rêve. Ce qu’il fit en toute bonne foi.