LA TENTATION DU MENSONGE
La tentation du mensonge est un roman de Charles FERRIOL salué par "Télé-loisirs" qui lui a attribué 4 étoiles !
Ce roman a été salué par "Télé-loisirs" qui lui a attribué 4 étoiles !
L'auteur, avec fluidité, entretient le suspense.
TELE-LOISIRS
Le nouveau roman « La tentation du mensonge » de Charles Ferriol tombe en plein centenaire de la sinistre première guerre mondiale qu’il évoque dans une histoire superbement écrite et surtout emplie d’un humanisme constant.
Chaque ligne nous entraîne dans ce passé, avec une exactitude incroyable et l’émotion saisit le lecteur.
Assurément un livre à offrir, car oeuvre d’un vrai écrivain.
Un livre édité par Jean Marc Savary.
LE PETIT JOURNAL
L’auteur a été maire de Routier pendant trente ans, ainsi que conseiller général du canton d'Alaigne. Le roman se déroule pendant la première guerre mondiale. Le jour de la déclaration de guerre, Élise allait bientôt se marier avec Adrien. Elle comprit qu'il allait partir, qu'on le lui enlevait. Puis pendant quatre ans, ce fut la tourmente. Adrien en reviendra indemne, mais inaccessible. Son destin s'est trouvé brisé. Commence pour Élise un nouveau "combat de tranchées" pour reconquérir son bonheur perdu. Le magazine Télé-Loisirs a donné quatre étoiles dans sa critique.
L'INDEPENDANT
Un roman dans lequel l'auteur entretient le suspense autour de l'idylle entre Élise et Adrien, tout en évoquant l'horreur de la Grande Guerre : «C'était la guerre ! La première mondiale. On allait y mourir et non pas la vivre. Et y mourir après avoir enduré tant de souffrances… Élise, ce jour-là, si près de son mariage avec Adrien, n'eut qu'une phrase en tête : Il allait partir, on le lui enlevait. Pendant quatre ans, il fallut subir la grande tourmente. Adrien en revint indemne mais inaccessible. Son destin brisé. Commence pour Élise un nouveau «combat de tranchées», pour reconquérir son bonheur perdu.»
LA DEPECHE DU MIDI
"Et ce fut alors que la cloche s'ébranla. Elle tintait à tour de bras, dans une hallucination d'airain. Les sons en pleine accélération donnaient le vertige au monde."
C'est ainsi que Joseph Delteil dans "Les poilus", traduit l'effroi qui s'empara du monde rural quand, le 1er août 1914, le tocsin annonça, depuis les clochers, la mobilisation générale.
LES PREMIERES PAGES DE LA TENTATION DU MENSONGE :
Le clocher pointu de la petite église domine quelques maisons timides groupées au fond d’un vallon. Bellefont, village de 400 âmes, a été bâti à l’ancienne avec des rues étroites, sinueuses comme des sentiers muletiers. Sur sa périphérie on distingue une dizaine de bâtiments de grandeurs inégales, aux formes allongées, couverts de tuiles plates à la couleur ternie : ce sont des caves. Elles ont été construites à l’extérieur pour des raisons de commodité.
Depuis la fin de la crise du phylloxéra et surtout depuis 1918, année où les survivants sont revenus de la Grande Guerre, la vigne ici, n’a cessé de s’étendre, procurant aux habitants une prospérité croissante. Maintenant, de quelque côté qu’on se tourne, des ceps tortueux alignés à perte de vue poussent leurs racines dans les sols caillouteux de ces rudes collines aménagées en terrasses. Parfois un petit bois de chênes verts se dresse ici ou là, pareil à une touffe de poils rebelles, rompant la monotonie d’un paysage trop uniforme. Ce n’est pas peu dire qu’ici le vin est le meilleur de la contrée. Ceux qui vivent sur l’autre versant, au-delà des crêtes, dans une zone plus humide où ils élèvent bovins et ovins, le savent, qui font volontiers le détour en revenant de la foire aux bestiaux, pour remplir leurs tonnelets qu’ils portent en bandoulière comme les colporteurs des quatre saisons.
Ce 17 mai 1926, les cloches sonnent à toutes volées à Bellefont, d’abord parce que c’est la fête de la sainte patronne, la bienheureuse Jeanne d’Arc ; ensuite parce que ce dimanche est jour de communion solennelle : douze communiants, s’il vous plait ! Autant de filles que de garçons !
L’église sera bondée et il y a fort à parier que même le dernier des mécréants ne voudra pas manquer l’occasion de satisfaire sa curiosité, car un nouveau curé vient d’être nommé dans la paroisse à la suite du décès subit du révérend Olivier.
Il y a trois jours à peine, à la tombée du jour, on a vu arriver à pied un homme jeune, grand, dans sa soutane toute raide, toute droite, dont la stricte forme cylindrique accentuait la minceur. Le bas de son austère vêtement frangé de terre ainsi que ses souliers recouverts d’une poussière grise prouvaient qu’il avait longtemps marché par les chemins de traverse et autres raccourcis, comme le font les gens qui connaissent bien le pays. Pas de signe de fatigue chez lui ; malgré le sac volumineux qu’il portait en travers de ses épaules, il avançait d’un pas alerte avec l’air décidé de quelqu’un qui sait où il va. Quelques yeux méfiants l’ont regardé passer derrière leurs volets croisés, étonnés de le voir se diriger sans hésiter vers le presbytère où la bonne en titre, Josèphe Clarou, a poussé un cri dès qu’il a frappé à la porte.
De ce remplaçant nommé à la hâte par monseigneur Ducret, on attendait aujourd’hui qu’il assure au pied levé le bon déroulement de l’importante cérémonie qu’on préparait fébrilement depuis des mois. On était curieux de savoir comment il allait se sortir de cette difficulté et à partir de là, quelle toute première impression il laisserait.
Dès le lendemain de son arrivée les marguillères étaient venues lui rendre visite, mais plus par curiosité que pour le mettre au courant de la chose. De toute façon, comme on était déjà vendredi, on ne pouvait entrer dans les détails. Dieu, dans sa grande bonté, viendrait au secours du novice, lorsque, forcément, celui-ci se trouverait dans l’obligation d’improviser.
Le prêtre montra qu’il avait de la ressource. Il ne paraissait pas homme à se laisser démonter. Avant même d’ouvrir les cérémonies, alors que les paroissiens se poussaient du coude avec gourmandise, il monta en chaire en quatre enjambées puis, étendant les bras pour demander silence, il proclama sa venue avec le plus grand naturel du monde :
- « Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, je suis l’abbé… (ici quelqu’un éternua si fort qu’on ne put saisir le nom : ce n’était pas grave.) votre nouveau curé. Monseigneur m’a demandé de prendre la succession du ministère du regretté père Olivier, sous la protection duquel nous placerons les célébrations d’aujourd’hui. Nous allons désormais vivre ensemble. Nous apprendrons à nous connaître et j’en suis sûr, à nous apprécier. Je rends grâce à Dieu d’être parmi vous. »
Puis, toujours à l’aise, il redescendit en quelques enjambées puissantes sans chercher à atténuer le claquement de ses larges semelles de cuir sur le carrelage. La prise de contact paraissait des plus réussies. Il y eut à son adresse quelques sourires de sympathie alors qu’un murmure approbateur le précédait dans les travées.
« Celui-là au moins, songea-t-on, il ne donnait pas l’impression de se prendre pour Dieu-le-Père. »
Continuant d’évoluer avec aisance, le prêtre demanda aux communiants d’avancer un à un devant le chœur afin de se présenter à lui. C’est, on ne peut plus intimidés qu’ils bredouillèrent leur nom à tour de rôle, si bas, si inaudibles, qu’ils durent à peu près tous le répéter. Le prêtre, sans se départir de son sourire, les encourageait en appuyant leurs efforts par des hochements de tête indulgents. Pourtant, quand vint le tour de la dernière fille, une belle plante qui dépassait les autres d’une bonne tête, il changea d’attitude, surpris par la gravité de ses traits, la profondeur de son regard, l’élégance de son maintien, la beauté de ses longs cheveux bouclés à l’anglaise qui débordaient de son voile. Elle ressemblait plus à une fragile et tendre mariée qui vit son heure de gloire qu’à une première communiante sur le point de renouveler ses vœux de baptême.
Comme les yeux du prélat s’attardaient sur le visage de la précoce adolescente, une voix, volontairement basse, assurément destinée à n’être perçue que de lui, lui souffla soudainement :
« Josseline, ma fille ! »
Cette voix venait d’une jeune dame du premier rang, vêtue sobrement, presque pauvrement, qui s’était assise sur une fesse à l’extrémité du banc, un peu à l’écart des autres dévotes. Dès qu’il eut levé les yeux sur elle, le prêtre blêmit, resta un moment interloqué, puis, faisant soudainement volte-face, se replia, d’un pas cette fois mal assuré.
A cet instant précis le petit harmonium à soufflet se mit à bourdonner comme un essaim d’abeilles tandis que le chœur de chant où pas une voix ne manquait, entonnait un ave maria dont les accents emplirent la nef d’un doux vacarme liturgique. Ainsi le trouble du prêtre passa inaperçu.
Après son baiser à l’autel qui introduisait le rite, il lui fallut pourtant se tourner vers ses ouailles pour les accueillir d’un ample signe de croix :
-« Au nom du Père… ».
Tous ces visages blancs comme cire, tendus vers lui, toutes ces têtes alignées comme celles d’un troupeau d’ovins en transhumance, nageaient dans un brouillard diffus de vapeur d’encens. Il évita de regarder les plus proches, se forçant à fixer ceux plus lointains des dernières travées ; eux au moins ne devineraient pas son désarroi. Puis, les mots latins murmurés du bout des lèvres, la tête rentrée dans ses épaules comme pour mieux se protéger derrière sa chasuble scintillante de dorures, il leur tourna le dos et entama l’office. A sa première génuflexion il dut se rattraper, se raccrocher, au bord de l’autel. Les enfants de chœur qui l’observaient de près eurent un mouvement d’inquiétude.
Tout ici pourtant respirait le jour béni. Les dames avaient sorti leurs atours. En froufrous et en dentelles elles étaient toutes sur leur trente-et-un et leurs gros bijoux exceptionnellement sortis des écrins, étincelaient sous les lustres. Les plus effrontées, bravant le qu’en dira-t-on, s’affichaient avec leurs cheveux taillés à la garçonne, leurs élégants chapeaux-cloche en feutre couleur crème, et leurs robes charleston qui, non content de laisser voir leurs genoux, moulaient outrageusement leurs enveloppes généreuses. Signe des temps, de l’autre côté de la travée, leurs hommes faisaient pâle figure. Timides, mal à l’aise dans leur col empesé, complexés par la toilette de leurs épouses, ces habitués de la chemise ample et du bourgeron de toile grossière suaient de grosses gouttes, plus qu’à la peine. Leurs prières d’une ferveur trompeuse, volaient moins haut que le fumet des rôtis qui montait des cassolettes, là-bas entre les braises de l’âtre. Fi des promesses du ciel, celles d’un bon repas leur paraissaient, ô combien ! plus délicieusement envisageables.
Au milieu de cette fête de bon aloi, toute vibrante des retrouvailles familiales, d’arrivées solennelles des cousins venus de loin, seul le prêtre se comportait comme un gâte-sauce égaré sur la route des enfers : maladroit, expéditif, gaffeur, on ne reconnaissait plus le prélat dont l’assurance avait si favorablement impressionné ses paroissiens. On avait beau tourner désespérément les pages de son missel, on n’arrivait plus à le suivre. Quelques secondes avaient suffi pour le changer. Avait-il été victime d’un soudain malaise, d’un coup de fringale due au jeûne matinal ? Pourquoi sa belle assurance avait-elle si soudainement fondue ? Son visage, qu’on avait vu en chaire si reposé, si mâle, si avenant, faisait pitié à voir. Voilà qu’il ressemblait tout à coup au masque fripé et souffreteux du Christ en croix qui dominait l’autel.
La jeune femme s’était agenouillée en hâte, bousculant sans façon ses voisines afin d’être la première à la communion. Coiffée de sa mantille noire, les yeux mi-clos, si fortement recueillie qu’on aurait pu la croire dans un état second, elle donnait l’impression d’avoir longtemps attendu ce moment, de le vivre en tout cas avec une grande intensité. N’avait-elle pas bravé les convenances, fait preuve de toutes les audaces pour être là avant les autres, sans se soucier de ce qu’on penserait d’elle ? Quand elle se releva, raide, crispée, pour recevoir la communion, il lui tendit l’hostie, la main tremblante, le regard fuyant, en faisant un effort surhumain pour ne pas défaillir.