L'HOMME AUX YEUX DOUX
Se déroulant dans le Sud de la France, de Montauban à la Provence, en passant par Carcassonne ou Béziers, cette histoire nous entraîne aussi dans les coulisses de l’Art…
Selon son habitude, Jacqueline Boyé explore les aléas d’une vie qui détournent le chemin tout tracé d’un futur sans nuage.
Une usine familiale de chocolaterie, fierté de toute une descendance, et la douce existence s’écoule sereinement…
Surgit l’incroyable, l’inattendu qui impose un terrible cas de conscience !
Se déroulant dans le Sud de la France, de Montauban à la Provence, en passant par Carcassonne ou Béziers, cette histoire nous entraîne aussi dans les coulisses de l’Art…
LES PREMIERES PAGES :
Jean-Hugues Modrak ralentit, mit son clignotant, jeta un œil sur le rétroviseur puis, brusquement accéléra, doubla une imposante Mercedes noire ruisselante de pluie et se rabattit sur la droite. Il roulait vite en ce mois de novembre qui reflétait ce jour-là, sur un horizon triste, son propre état d’âme. Il pensa que la vie et ses surprenants événements ressemblaient parfois étrangement à cette désolante image du ciel et de la terre.
Notaire dans une ville du sud-ouest de la France, écœuré par des histoires d’héritage qui divisaient parfois parents et enfants au demeurant unis, il avait quitté son bureau vers dix-sept heures et regagnait au plus vite son appartement pour se mettre à l’abri de ce monde complexe, qui ne correspondait plus à sa véritable nature. Veuf, âgé de soixante ans, il avait encore à sa charge sa fille unique Alexandra qui finissait ses études de droit dans l’intention de prendre sa suite. Encore une année à attendre et la délivrance et son but seraient enfin atteints. Il rêvait de ce jour qui le libérerait enfin de son joug. Au début, si le notariat l’avait intéressé et passionné, en revanche il n’en était plus de même aujourd’hui. Bien qu’il menât sa vie le plus honnêtement possible, l’expérience de sa profession avait parfois déstabilisé sa façon de se comporter envers ses semblables, aussi, vivre à la campagne, loin du monde et du bruit, était désormais sa devise.
Peu de monde sur la route qui le ramenait chez lui, au centre-ville. Déjà, la nuit profilait dans les rues des ombres sournoises et tourmentées, rappelant à l’homme sa condition humaine lors de ses angoisses existentielles. Jean-Hugues tressaillit. Ce soir, nostalgique, il passait en revue sa vie. Ce matin encore, à l’occasion d’un héritage, il avait convoqué à son étude une famille en deuil qui semblait attendre impatiemment son dû. Comment pouvait-on, à ce moment-là, penser à obtenir d’un défunt un présent quelconque ! Cela l’avait toujours intrigué et choqué. Vraiment, à présent cette profession l’accablait. L’argent, la possession étaient le cancer d’une société décadente, avide d’engranger le moindre bien, pourvu qu’il ait quelque valeur. Il sourit en évoquant dans la pièce de Molière « Harpagon » l’homme le plus âpre au gain qui puisse exister sur terre. Jean-Hugues avait été heureux dans son enfance. Rien dans sa vie ne laissait supposer une entrave quelconque si ce n’était parfois des réflexions curieuses de la part de son père, très vite rachetées par des câlins et des gestes de tendresse. Le rôle d’un père toujours, n’était pas facile et l’autorité s’imposait. Celui de la mère en revanche n’était que douceur et Jean Hugues avait toujours éprouvé envers elle un amour sans limite. Plus tard il avait épousé Mathilde dont il était terriblement tombé amoureux, puis Alexandra était venue couronner l’indicible bonheur jusqu’à ce jour où… Ce fut horrible. Mathilde, frappée d’une insolation, s’était noyée accidentellement dans l’étang de son village natal. Quatre ans déjà pendant lesquels il s’était acharné au travail pour subir le moins possible le manque affectif et les souffrances morales que seule peut infliger la perte de ceux que l’on aime. Il regarda l’heure. Juste le temps d’aller rendre visite à sa vieille Maman ne serait-ce que quelques minutes à son domicile, puis il rentrerait chez lui et reprendrait le dossier d’une affaire d’héritage laissée en suspens ce dernier mois. Jean-Hugues pensait avec soulagement que rien de ce genre ne pourrait lui arriver puisque, étant fils unique, il n’aurait rien à partager. IL en remerciait l’invisible divinité et tous les Saints de la création.
Michèle Modrak, âgée de quatre-vingt-un ans, habitait dans une petite maison coquette de la ville que son défunt époux, Charles Modrak, avait achetée dans le temps à un nommé Raymond Dumont qui désirait, pour une raison étrange, s’en séparer très vite. Monsieur Modrak, à l’époque, travaillait dans une entreprise de menuiserie et n’avait pas beaucoup d’argent. Il avait dû faire un emprunt conséquent à la banque, après avoir versé quelques arrhes au vendeur. En accord avec lui, la transaction s’était effectuée sans problème. La maison avait donc été acquise par Charles et plus personne, jamais, n’avait eu vent de la vente de cette belle demeure.
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