Ce livre a été écrit à Shreveport, Louisiane,
États-Unis d’Amérique
J’aime particulièrement les Américaines. Je n’évoque pas ici les cigarettes, ni les belles voitures aux lignes élégantes : Cadillac, Jeep Wangler, Ford, Buick, Chrysler ou Chevrolet. Je veux parler des … femmes Américaines.
Le seul reproche que je pourrais leur faire, c’est de vivre avec des Américains. Et jamais avec moi.
Toutes générations confondues, les USA nous ont « fourni » les plus belles femmes du monde. Grâce, classe, charme, glamour sexy. À commencer par Marilyn Monroe.
Puis il y a eu un nombre incalculable de beautés vénusiennes. Dans le désordre (ça n’engage que moi) : Rita Hayworth, Cyd Charisse, Jane Fonda, Sharon Stone, Naomi Campbell, Kim Basinger, Julia Roberts et, aussi, les Desperate Housewives Marcia Cross et Teri Hatcher … Et tout un tas de jeunettes actuelles, qui promettent … comme (au hasard), Kate Beckinsale ou Rachel Bilson. Plus deux ou trois belles impudiques aux hanches de nacelle, équipées de jambes aux mouvements de désespoir et au matou au goût de bonbons anciens qui ont enchanté quelques unes de mes nuits, de quelques jours aussi, et d’autres nuits encore.
Bien sûr, en Amérique, il y a des grosses dondons au cul graisseux en porte-bagage et des disgracieuses, comme partout, mais quand elles sont très grosses et très disgracieuses, c’est-à-dire vraiment tartes, ce sont des étrangères.
Les moins belles des Américaines sont presque belles, les presque belles sont belles, et les belles sont très belles. Peut-être, parce qu’elles sont … Américaines.
Je n’aime pas les bombes sexuelles façon Pamela Anderson ; trop sophistiquées, trop nichonnées, trop chirurgiées à mon goût. Ça pète par les coutures de partout. Je leur préfère les beautés calmes, genre Ava Gardner, Julianne Moore ou Michelle Pfeiffer (au temps de leur splendeur, évidemment. Sinon, on va penser que j’aime surtout les femmes qui totalisent un gros paquet d’heures de vol au compteur).
Les Américaines osent tout ! Sans complexes. Pour s’habiller, vivre, aimer. Certaines sont inouïes. Surprenantes. Voilà pourquoi je les aime tant.
Il y a quelques années, à Amarillo, Texas, j’ai connu Allison McGraw, femme d’un concessionnaire automobile, la bonne quarantaine, catholique pratiquante, généreuse à la messe, blonde, portant chignon, bien sous tous rapports, joliment carrossée qui, en se plaçant à califourchon entre les deux sièges avant de son gros pick-up Chevrolet, jupe relevée, sans culotte, adorait utiliser le levier de vitesses pour ce qui pourrait s’appeler … de l’auto-satisfaction.
“Baisse le capot, Madame, on te voit le moteur !”, lui avait lancé un soir à travers la vitre ouverte un chauffeur routier (à gros bras tatoués, musclés comme mes cuisses, T-shirt Kentucky et casquette Harley-Davidson), qui passait par là.
“Avantage du levier, ce grand qoquin, me disait Allison, il est toujours prêt pour un câlin. Jamais à rechigner, jamais la migraine, jamais en panne”.
Ainsi, en équilibre stable et joliment accroupie, cette dame était capable, sans se servir de ses mains, de changer de vitesse quand je conduisais son véhicule.
Une autre fois, lors d’un voyage en voiture qui m’amenait de Montgomery à Dallas, j’avais rencontré Linda Weaver (nièce de la belle actrice Sigourney Weaver), chez des amis communs qui m’hébergeaient quelques jours. Près de Jackson, Mississippi. Son mari venait de la quitter en lui disant qu’il allait acheter des cigarettes. Heureusement, pour elle, elle avait un boxer qui la protégeait et lui tenait compagnie les jours de blues.
Ce jour-là, sur la région, une odeur âcre de poussière saisissait les gorges asséchées par la pulpe d’un vent, couleur de giroflée, qui laissait écouler l’espace.
Bien qu’Américaine - de Little Rock, Arkansas - Linda avait l’air d’une statuette Tang. Visage gracieux, doux et blême, comme un ventre flottant de poisson mort.
Digne de la Vénus Callipyge, sa chute de reins (où la ligne de l’épine dorsale fuyait dans un méplat voluptueux et se redressait, ferme, grasse, en deux arabesques magiques), avait l’aspect d’une sphère de Paros aux transparences d’ambre. Et cette impertinence d’un corps paraissant s’ignorer n’en était que plus piquante ; un corps souple, frais et parfumé comme un torrent de montagne coulant entre deux haies de fleurs. Pour elle, l’amour était une obsession exaltée. Les hommes l’obsédaient, tel un désir de vengeance.
- Vous faites quoi dans la vie ?
Alors, pensant la faire rêver, je lui raconte “ma vie en Amérique”, juste avant de la rencontrer. Où, plutôt, je lui raconte n’importe quoi. Des sornettes. J’invente. J’improvise. Je me fais mousser. Et je lui dis :
- En rupture avec la société de consommation française, révolté contre tout et contre moi-même, peuplé d’ombres et de doutes, j’ai voulu fuir l’Extrême Gauche, le Communisme, le Front de Gauche, le Socialisme, les Verts, les Centristes, l’UDI, l’UMP, le Front National, les syndicats, le patronat, la violence, la police, les chansons de Carla Bruni, les gens branchés sur leur Iphone toute la journée, et qui dorment avec, ceux qui sont favorables au mariage pour tous, ceux qui sont farouchement contre, la connerie humaine, Mireille Mathieu et …
- Qui est Mireille Mathieu ?
- Un remède contre l’amour. Laisse tomber ! Le matin, en me rasant, je me sentais vaguement lacanien. Et, à la fois, proche de Schopenhauer (qui a écrit : « L’homme est un testicule objectivé » !) Je croyais que l’Histoire devait absolument nous conduire vers une apothéose. Ma propre conscience tâtonnait vers le nihilisme, mais à la fois j’espérais m’en éloigner ; je désirais, comment dire ? … une nouvelle Renaissance, où devaient fatalement converger l’art de Fra Angelico, la rigueur cistercienne et les formes épurées à la Nicolas de Staël. J’ai donc voulu fuir l’absurdité de l’existence, espérant trouver ici aux USA, l’inimaginable, l’inespéré, l’exceptionnel, envahi par le désir fou et urgent d’abandonner la France, de jouir pleinement d’une prospérité raisonnable et de rencontrer l’oisiveté, le rêve, l’amour !
Sac ado (c’est-à-dire pour les 12-17 ans), avec à l’intérieur une boîte de tubes de peinture, cinq ou six pinceaux et quelques toiles roulées pour peindre lors des haltes, guitare en bandoulière, harmonica dans la poche, je cherchais l’aventure. Et je suis devenu pirate du rail.
- C’est quoi ?
- Planqué près d’une gare de triage, ou même en rase campagne, dans les crissements métalliques, les stridences, les bruits de souffleries et dans un incessant vacarme de machines, seul ou flanqué d’un ou deux paumés de rencontre dans mon genre, j’attendais qu’un train à l’arrêt ou roulant à faible vitesse se présente. Puis j’attaquais les wagons qui transportaient le pognon des banques. Je faisais exploser la porte à la dynamite et, avec un flingue à canon scié, je braquais les types de la sécurité qui se trouvaient à l’intérieur. S’ils étaient encore vivants. Puis, plein de dollars en poches, je montais dans un autre train pour d’autres états du Sud et du Sud-Ouest. Je choisissais plutôt les wagons tombereaux dépourvus de toit. Pour monter, il fallait prendre appui sur l’attelage qui relie deux wagons de fret, puis grimper par l’échelle. Une fois à l’intérieur, je contemplais les nuages ou la Voie lactée, vivant des nuits de Walpurgis, façon Mendelssohn …
- Qui est Mendelssohn ?
(Et je lui siffle l’hymne des mariés qui entrent dans l’église … lui, souvent avec un air bête, au bras de sa maman ; elle, émue, ou qui fait semblant, au bras de son papa).
- Donc, je contemplais les nuages ou la Voie lactée, avec myriades d’étoiles sur mouvements fiévreux de mer. Et à l’aube, en me réveillant, plus libre que libre, mon bonheur était grand. Plaisir aussi de me laisser caresser tout entier, par le soleil, ou par une fille. Car j’aime les filles Américaines ! Comme vous. Sale, transpirant, mains poisseuses, je parcourais les États en permanence pour vivre une aventure initiatique, renouer avec l’idéal de Jack London et les épopées de la Beat Generation. Et des hobos, ces clochards célestes qui cherchaient du travail de ville en ville. Vous avez dû en entendre parler par votre tante, Sigourney, qui a tourné un film sur le sujet … Je voyageais souvent au péril de ma vie, comme cette fois-là où, entre Sundance et Ucross - Northeastern Wyoming - je suis tombé du wagon dans lequel je tentais de monter, alors que le train de la Kansas City Southern roulait à dix ou quinze miles à l’heure. Les flics me poursuivaient avec leurs chiens policiers. Mais ils ne m’ont jamais attrapé. Sauf une fois, où ils m’ont mis en taule dans une petite ville, Ogden, près de Salt Lake City, Utah. Mais, au bout de six mois, je me suis évadé avec trois dangereux gangsters en creusant un tunnel souterrain de quarante mètres. Puis j’ai repris d’autres trains, vivant de braqua-ges : banques, fourgons blindés de convoyeurs de fonds, pharmacies, hyper marchés, comme les Brookshire’s, Target, Kroger, Albertsons Market (it means a great deal) ou Wal-Mart. J’arrachais parfois le sac-à-main des vieilles dames dans des rues désertes, ou le “4-heures” des enfants qui entraient à l’école … Et qui gueulaient : « Maman ! Maman ! » Je sautais de rassemblements de rockers en festivals de country et, pour moi, l’important n’était pas la destination, mais le voyage et les sensations qu’il procure. Pas de feuille de route.Je montais et descendais du train au gré de mes envies et de mes besoins. Quand j’avais soif ou faim, ou lorsque l’endroit me plaisait, comme au bord du Rio Grande, au Nouveau Mexique, ou à Monument Valley. Et aussi quand mes compagnons, souvent sous méthamphétamine, devenaient trop agressifs. Deux ou trois fois, j’ai dû donner du poing dans la gueule. Quand les temps devenaient difficiles, que l’argent volé avait été dépensé, je peignais des moineaux en jaune pour les vendre comme des canaris. Épris de liberté, j’ai vécu ainsi presque trois ans la bohème américaine, égrenant mes rimes et mes chansons lors de veillées nocturnes autour d’un feu de camp improvisé.
Et je vous ai rencontrée !
- C’est vrai tout ça ?
- Ça aurait pu …
Et nous éclatons de rire.