LIVRESSES, ébriétés littéraires
Ce dictionnaire passionné de l’écrivain Pico nous entraîne
dans une ivresse du verbe, à coups de style et de talent.
Un rare moment de bonheur.
J’aime …
Écrire dans l’ivresse et me relire à jeun. Commencer un roman coup de boule, plein d’uppercuts et de déflagrations, me mettre dans la peau d’un fêlé de la tronche qui s’inocule la rage pour créer des accidents de bagnoles dans un état second. Écrire, errer, briser l’angoisse, la peur et les complexes, cicatriser la solitude et la mort, avancer, regagner jour après jour mon droit à « être ».
Écrire, explorer mes fractures d’enfance, fixer mes dérives, échapper à la surveillance et à tout contrôle. Me
ranger parmi les bêtes sauvages, les fous et les assassins.
Ressentir l’écriture comme un privilège, mais aussi comme une blessure par où s’écoule, pareil à un sang
noir, l’irrémédiable désaccord entre les choses et les mots.
LES PREMIERES PAGES :
1
J’aime …
Raffoler des exubérances de la lingerie fine d’une jolie femme ; le satin coule sur l’épiderme et le caresse, galbe chaque courbe, nacre le grain de peau, enfièvre le corps tout entier. Théâtre des incertitudes, les dessous chics interpellent l’indécence dans la moiteur d’un trouble, suscitent l’émotion clandestine et l’éblouissement et, à la seconde inoubliable où la bretelle frondeuse du soutien-gorge se détache d’une épaule avant l’appel ensorcelant du string, dans le claquement irrésistible de l’élastique, découvrir que la jolie femme a l’art de disparaître à chaque instant dans le sillon d’un parfum de l’Asie et le génie de se jouer de toutes les ambiguïtés par la magie de l’élégance et ce côté mystique qui se confond avec la nuit, le jour et les autres nuits.
2
J’aime …
… Choquer les bien-pensants et les pisse-froid en utilisant des mots ou des groupes de mots “border line”, qu’on peut prendre dans le sens qu’on veut … Genre : “Baiser sur la bouche”. Une jolie pelle roulée dans une voiture, sur un banc public, sous un porche, c’est “bitchen” ! comme ils disent, aux USA. J’aime aussi ces baisers de cinéma mythiques (y en a des milliers !) Meryl Streep et Robert Redford dans Out of Africa, Leonardo Di Caprio et Kate Winslet dans Titanic, James Wood et Tuesday Weld dans Il était une fois en Amérique, Clark Gable et Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent, Burt Lancaster et Deborah Kerr dans Tant qu’il y aura des hommes, ou celui que Christopher Reeve donne à la troublante Jane Seymour dans Somewhere in time … Etc. On peut citer aussi ce baiser entre deux mecs, Heath Ledger et Jake Gyllenhaal dans Le secret de Brokeback Mountain : mais, bon, là, c’est pas trop ma tasse ! et ce baiser “qui n’aboutit pas”, entre Scarlett Johansson et Colin Firth ; c’est peut-être le plus beau, avec celui que Madonna échange avec Britney Spears sur scène, ou celui que Charlie Chaplin donne à son jeune fils (Jackie Coogan), dans The kid …
Un baiser pas mal du tout, c’est celui que j’ai donné une nuit à Kate Moss, dans un rêve.
Mais non, le plus beau de tous, c’est celui que nous nous sommes échangés, Manon (ma femme) et moi, hier soir, dans le lit …
Un baiser, c’est la féerie du prisme, un rêve qui se jette dans le Rio Grande, le bonheur rangé dans une valise en partance pour les Bahamas. Une bouche, aussi. Ça peut faire ou dire du bien, et le contraire. Parce qu’il y a la langue … et des dents … !
Bouche de star de cinéma. C’est un peu idem. Quoi de plus érotique que la bouche d’une star de cinéma ? Celle de Julia Roberts, grande … grande … celle de Kim Basinger, profonde … profonde … ou celle de Sharon Stone, aaaaaaaaahhhhhhhhhhh, Sharon Stone !!! … Sans parler des bouches de Teri Hatcher et de ses copines les Desperate Housewives … Qui n’a jamais fantasmé un jour sur la bouche de Bardot ou de Marilyn, quand elles faisaient la moue ? Faire la moue … avec la bouche …
“Bitte d’amarrage”, pièce de bois ou d’acier fixée verticalement sur le pont d’un bateau ou d’un quai de port pour enrouler les amarres, ces deux mots groupés me plaisent. On amarre le bateau à la bitte, on quitte le bord, et on part en bordée. Quel voyage ! Et mamelon, téton, décolleté, croupe, concubin, condescendant, concupiscent, chat, chaton, chatte, vaseline … Et ce chien élégant, la levrette, n’est-ce pas un joli nom ? Et string, bas résille, nuisette, hôtesse de l’air, infirmière, cul de sac, Condom (dans le Gers), Jouy-en-Josas (Yvelines), culbuter, tire-fesse, fille de Garches et enfant de Puteaux …