Le vagabond impudique
L'histoire d'une vie, de la naissance à la mort, parsemée de rencontres, d'amours, d'expériences... Cantique des sens et quête d'existence.
VOILES
« Un soleil rouillé
Sur ta peau métisse
S’endort. »
Bernard LAVILLIERS
Plage de méditerranée embrasée de soleil.
Entre silice et palmiers, Myrna engendre un fils.
Autour, le monde s’épuise entre conflits et conquêtes au rythme des puissantes cités. Autour, cela grouille et se densifie. Des routes multipliées à l’infini flagellent des paysages qui saignent une populace pressée. Elles inoculent la civilisation au plus profond des contrées.
Ici, Myrna dévisage cet enfant. Le sien. Elle le couve, l’aime, le découvre. L’Histoire et les autres lui semblent dérisoires ou, pour le moins, lointains…
Ici, le sable brûle de grain en grain et la brise saline s’émiette dans une mer d’été. De vagues mouettes flottent dans le ciel.
—Flux et reflux de cris lancinants—
Nulle présence étrangère à ces deux êtres réfugiés dans la fraîcheur d’une ombre.
Ici se célèbre la vie.
—Son regard est trop doux. Il conviendra d’armer ce petit pour la vie. L’aguerrir aux coups ! Savoir encaisser pour rendre sinon il souffrira…
Myrna sourit et répond à sa mère :
—S’il mène sa vie en homme, cela sera déjà héroïque.
Complicité de la mère et de la fille de tous temps. En toutes circonstances, même lorsque le destin détonne. Cet enfant sans père connu, déclaré ou choisi, surgit comme était apparue Myrna. Fruit d’effusions illégitimes mais savoureuses. Multiplicité de couches, de mâles, d’incandescences festives et de délicieuses insouciances. Présent imprévu dans le papillonnage, mais accepté, presque désiré.
—On ne refuse pas une offrande, cela n’est guère convenable, s’était confiée la mère à son époque.
—Quelle élégance d’être maman, dit à son tour Myrna, une génération plus tard, aux hommes atterrés dans son entourage.
L’effervescence des murmures n’y change rien. Les suspicions non plus.
—Est-ce ce bellâtre, ce fainéant, qui l’a engrossée ?
—Non, non, c’est lui, là-bas ! On les a vus !
—Non pas, seul cet ivrogne-ci est le père…
Myrna, radieuse, arpente les ruelles. Sourires et grâce.
Les mâles rôdent en hordes et se disputent âprement. Non pas la paternité dont nul ne souhaite le poids. Seuls les appétits du sexe orchestrent les remontrances, les envies, les combats. Concours constant du pénis victorieux. Celui qui, seul, fait vibrer la toute belle Myrna. Et ça se déchire. Et ça se tue au nom du puissant totem.
Elle, elle chérit cet être si confiant.
Son enfant.
Désormais, le commerce prospère tout autour de la Méditerranée. Tissus, vins, huiles et bijoux sillonnent les voies nouvelles, remplissent les cales de navires toujours plus nombreux, toujours plus volumineux, toujours plus précieux. Une paix s’impose dans tout le bassin. Celle de l’île prospère. Après le glaive et les chars implacables, l’économie insulaire, tout autant invincible, terrasse les ultimes frontières rebelles. L’île légifère, codifie, conditionne. Les contrées désormais halètent à la cadence de l’île, pensent à l’aune de l’île, voient par le prisme de l’île, s’illusionnent avec la bénédiction de l’île.
L’enfant de Myrna fête aujourd’hui ses trois ans. Il se nomme Miros.
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